Au bout de toute liberté, il y a une sentence – Albert Camus (TRAD. FR-ITA)

albert camus giramundo

Au bout de toute liberté, il y a une sentence  – Albert Camus (TRAD. FR-ITA)

Pas d’excuses, jamais, pour personne, voilà mon principe, au départ. Je nie la bonne intention, l’erreur estimable, le faux pas, la circonstance atténuante. Chez moi, on ne bénit pas, on ne distribue pas d’absolution. On fait l’addition, simplement, et puis : Ca fait tant. Vous êtes un pervers, un satyre, un mythomane, un pédéraste, un artiste, etc.
Comme ça. Aussi sec. En philosophie comme en politique, je suis donc pour toute théorie qui refuse l’innocence a l’homme et pour toute pratique qui le traite en coupable. Vous voyez en moi, très cher, un partisan éclairé de la servitude.
Sans elle, à vrai dire, il n’y a point de solution définitive. J’ai très vite compris cela. Autrefois, je n’avais que la liberté à la bouche. Je l’étendais au petit déjeuner sur mes tartines, je la mastiquais toute la journée, je portais dans le monde une haleine délicieusement rafraichie à la liberté. J’assenais ce maitre mot à quiconque me contredisait, je l’avais mis au service de mes désirs et de ma puissance. Je le murmurais au lit, dans l’oreille endormie de mes compagnes, et il m’aidait à les planter là. Je le glissais…
Allons, je m’excite et je perds la mesure. Apres tout, il m’est arrivé de faire de la liberté un usage plus désintéressé et même, jugez de ma naiveté, de la défendre deux ou trois fois, sans aller sans doute jusqu’à mourir pour elle, mais en prenant quelque risque. Il faut me pardonner ces imprudences ; je ne savais pas que la liberté n’est pas une récompense, ni une décoration qu’on fête dans le champagne. Ni d’ailleurs un cadeau, une boite de chatteries propres à vous donner des plaisirs de babines. Oh ! Non, c’est une corvée, au contraire, et une course de fond, bien solitaire, bien exténuante. Pas de champagne, point d’amis qui lèvent leur verre en vous regardant avec tendresse. Seul dans une salle morose, seul dans le box, devant les juges, et seul pour décider devant soi-même ou devant le jugement des autres.
Au bout de toute liberté, il y a une sentence ; voilà pourquoi la liberté est top lourde a porter, surtout lorsqu’on souffre de fièvre, ou qu’on a de la peine, ou qu’on aime personne.

*Albert Camus, La chute

TRADUZIONE IN ITALIANO DI Andrea Giramundo

Alla fine di ogni libertà c’è una sentenza

Nessuna scusa, mai, per nessuno, ecco il mio principio, all’inizio. Nego le buone intenzioni, l’errore stimabile, il passo falso, la circostanza attenuante. Da me non si benedice, non si distribuisce l’assoluzione. Si fa il conto, semplicemente, e poi: Il conto. Sei un pervertito, un satiro, un mitomane, un pederasta, un artista, eccetera.
Così, in questo modo. Così secco. In filosofia come in politica, sono quindi favorevole a qualsiasi teoria che rifiuti l’innocenza all’uomo e a qualsiasi pratica che lo tratti come colpevole. Voi vedete in me, mio caro, un illuminato sostenitore della schiavitù.
Senza di essa, a dire il vero, non c’è soluzione definitiva. L’ho capito molto rapidamente. Un tempo avevo solo la libertà alla bocca. La stendevo a colazione sulle mie tartine, la masticavo tutto il giorno, portavo nel mondo un alito deliziosamente rinfrescato dalla libertà.
Piazzavo questa parola maestra a chiunque mi contraddisse, la mettevo al servizio dei miei desideri e del mio potere. La sussurravo a letto, nell’orecchio addormentato delle mie compagne, e mi aiutava a piantarle lì. La glissavo…
Andiamo, mi eccito e perdo la misura. Dopo tutto, mi è capitato di fare della libertà un uso più disinteressato e persino, giudicate la mia ingenuità, di difenderla due o tre volte, senza dubbio arrivare fino a morire per lei, ma prendendo qualche rischio.
Bisogna perdonare queste imprudenze; non sapevo che la libertà non è una ricompensa, né una decorazione che si festeggia a champagne. Né un regalo, una scatola di dolcetti adatta a darvi piaceri dei bambini.
Oh ! No, è un impegno quotidiano, al contrario, e una corsa di fondo, molto solitaria, molto estenuante. Niente champagne, niente amici che brindano a voi con tenerezza. Da solo in una sala cupa, solo nel banco, davanti ai giudici, e solo per decidere davanti a sé o davanti al giudizio degli altri.
Alla fine di ogni libertà c’è una sentenza; ecco perché la libertà è troppo pesante da portare, soprattutto quando si soffre di febbre, o di dolore, o si ama nessuno.

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